HamLan


Le projet

Un des buts du radioamateurisme étant l'expérimentation, c'est avec enthousiasme que Xavier F6FKQ et moi-même sommes partis dans ce projet quand nous avons appris la possibilité de faire des essais en 802.11b dans notre bande 2,4 GHz

Étude de faisabilité

Avant de se lance tête baissée dans la construction de la liaison, nous avons fait quelques essais et simulations préliminaires

Simulations

Le logiciel de simulation utilisé est Radiomobile car il est gratuit et en français, il est fait par un radioamateur québécois. De plus, les données topographiques SRTM sont disponibles à présent pour l'Europe. Il permet de simuler un bilan de liaison radio entre deux points en paramétrant les caractéristiques du lien au niveau antennes, émission, réception, position géographique, environnement, etc ...

Nous avons pris comme hypothèses de départ une puissance de 17 dBm et une antenne parabolique de 1,2 m (27 dBi) comme équipement de part et d'autre. Les images suivantes démontrent la faisabilité du projet.

Onglet Paramètres Onglet Topologie Onglet stations Onglet systèmes
Paramètres Topologie Stations Systèmes
Bilan de la liaison Détails de la liaison Profil de la liaison Carte de la liaison
Bilan Détails Profil Carte

Expérimentation sur 1,2 GHz

Nous avons également fait un essai dans cette bande en FM pour s'assurer que le modèle Radiomobile n'était pas trop farfelu. Les résultats en 1,2 GHz étaient semblables aux simulations faites sous Radiomobile donc on pouvait avoir un bon degré de confiance dans la modélisation.

Choix du matériel

Les antennes

La parabole étant choisie, il fallait maintenant la construire ainsi que sa source pour l'illuminer. Après avoir consulté de nombreux ouvrages en ligne sur le vaste sujet des paraboles, je suis tombé sur le site d'un radioamateur suédois qui fait également le commerce de matériel satellite. La formule proposée pour la parabole était attractive car il vend uniquement l'ossature, ce qui la rend transportable dans un colis postal. De plus le prix reste bas, il suffit de trouver le grillage pour la couvrir. La solution de la parabole grillagée est quasiment obligatoire vu qu'elle est montée à 20 m de haut sur un pylône et il vaut mieux avoir un minimum de prise au vent ! Il existe d'autres modèles tout fait, mais la robustesse de la construction à fait la décision

Il faut maintenant illuminer correctement cette parabole. Le rapport f/D est de 0,3 donc bien creuse, la source idéale semble être une antenne de type patch. J'ai trouvé en ligne le site de d'un radioamateur américain K3TZ qui présente un modèle de cette antenne. Il s'est inspiré d'un modèle fabriqué par un radioamateur japonais 7N1JVW qu'il a retouché pour pouvoir fonctionner dans la bande satellite car il trouvait que l'antenne originale résonnait un peu trop haut en fréquence. J'ai donc choisit le modèle japonais car il correspondait mieux aux canaux du 802.11b. Cette antenne est en polarisation circulaire gauche ce qui fait qu'après réflexion sur la parabole on émet et reçoit en polarisation circulaire droite. Les premiers essais du lien ont démontrés que cette antenne n'est peut-être pas optimale du point de vue des multitrajets donc de nouvelles expérimentations peut-être à venir ...

La construction de l'antenne patch demande une bonne précision mécanique mais c'est accessible à tout bricoleur. Le radôme est fait à partir d'une boîte prévue pour les fours à micro-onde. Un moyen simple de savoir si un matériau est "transparent" à 2,4 GHz est de le mettre au micro-onde quelques instants et de vérifier qu'il reste bien froid. Le radôme est ensuite collé a l'antenne, puis le tout sera collé sur le tube PVC contenant le circuit de l'AP. On verra plus loin les modifications apportées sur le circuit. Un des câbles d'origine de l'AP est utilisé pour faire la liaison vers l'antenne, j'ai juste changé le connecteur à une extrémité par un SMA. Les références possibles suivant les diamètres de câble sont R125073000 et R125069000 chez Radiall.

Vue arrière de l'antenne patch Vue avant de l'antenne patch Vue arrière de l'antenne et du radôme Vue avant de l'antenne et du radôme
Patch (arrière) Patch (avant) Radôme (arrière) Radôme (avant
Le couvercle avant découpage Avant assemblage définitif La source assemblée Antenne au sol
Le couvercle Assemblage La source Au sol

Le point d'accès

Le choix est possible entre plusieurs constructeurs. Nous nous sommes laissé aller à ce qui paraissait le plus commun parmi les utilisateurs d'où le choix du WAP11 de Linksys. Afin de minimaliser les pertes dans le câble coaxial, la solution de le positionner au plus près de l'antenne a donc été choisie. L'acheminement de l'alimentation et du réseau se faisant par le câble FTP cat. 5.

Il faut donc retirer les circuits du coffret, sachant que ceci entraîne la perte de garantie ! Le démontage est expliqué sur ce site. N'utilisant qu'une seule antenne, le deuxième connecteur a été dessoudé du circuit en le chauffant doucement avec une flamme au gaz car l'inertie du métal rend très difficile voire impossible l'utilisation d'un fer à souder. Ainsi, le connecteur se retire facilement sans endommager le circuit imprimé. Une résistance CMS de 50 Ω est ensuite soudée entre les pads pour adapter l'impédance de sortie.

Pour gagner un peu de place, on peut casser l'extrémité du circuit qui contient les trois LEDs (rouge, jaune et verte). Il n'y a aucune difficulté pour cela car si on y regarde de près, on remarque que le circuit imprimé est prédécoupé pour cet usage ! Il suffit ensuite de les remplacer en soudant leur équivalent CMS sur les emplacements prévus.

L'alimentation du circuit

Elle se fait en 5 V et consomme environ 600 mA. Comme on utilise que deux paires torsadées pour la liaison réseau, les deux autres paires peuvent être utilisées pour amener l'alimentation. La longueur du cordon réseau fait 50 m ici et une mesure à l'ohmmètre donne 8 Ω par fil soit 4 Ω par paire si on met les deux fils en parallèle. La loi d'Ohm (U = R*I) nous dit que pour avoir 5 V aux bornes du circuit, il faut environ 10 V au départ. L'inconvénient d'alimenter ainsi directement le circuit est qu'on ne maîtrise pas trop la régulation aval qui est dépendante des pertes ohmiques. De plus on gaspille presque 3 W à réchauffer le cordon réseau ... La solution du régulateur aval est donc plus sécurisante, un type à découpage a été choisi car il a un bon rendement et ne nécessite pas de radiateur.

On peut prendre le modèle LM2575T-5.0 de National Semiconductor par exemple et faire un montage comme proposé dans la documentation technique. L'avantage est aussi de pouvoir alimenter avec une tension pouvant aller jusqu'à 40 V, minimisant ainsi les pertes en puissance dans le câble. Pour réaliser cette alimentation, j'ai utilisé un transformateur de 24 V au secondaire et de puissance 12 VA, redressé par un pont de diode et filtré par un condensateur de 470 µF. Elle fournie une tension à peu près filtrée entre 30 V et 32 V. La connexion de l'alimentation est réalisée par un raccord à deux voies adapté et transformé pour la circonstance. Cela évite de faire une incision chirurgicale dans son beau câble réseau ... Les broches RJ45 utilisées sont donc 4/5 et 7/8, les 1/2 et 3/6 étant les paires réseau. De même, pour le raccord au niveau du circuit du WAP11, il faut isoler ces deux paires en dessoudant les deux résistances CMS qui sont reliées à ces broches sur la prise RJ45. Puis y souder l'entrée du montage régulateur, sa sortie se raccordant sur le jack d'alimentation (voir détail).

Le WAP11 et son régulateur Le WAP11 et son régulateur
WAP11 + régulateur Autre vue

La fixation mécanique

L'ensemble est donc installé au foyer de la parabole dans son tube en PVC. Le calcul de la distance focale d'une parabole étant D²/(16*C) avec D le diamètre et C la profondeur exprimés dans les mêmes unités. C'est à cette distance que doit être placé le centre de phase de l'antenne. Je rassure ... en plaçant le plan du patch à cette distance on se trompe de peu et à 2,4 GHz le centimètre d'erreur n'est pas très critique. Ceux qui veulent fignoler ou simplement s'informer peuvent toujours consulter la documentation sur le sujet écrite par un radioamateur américain, W1GHZ.

Pratiquant la radio d'amateur, je possède donc un pylône de 20 m et c'est tout naturellement que j'y ai bricolé un point d'attache pour fixer la parabole. Le montage est fixé sur un chariot coulissant sur un des cotés ce qui facilite la maintenance en travaillant au sol. Il suffit ensuite de tourner la manivelle pour monter le tout.

Vue en position haute Vue d'ensemble des aériens
En haut Vue générale

Premiers essais sur le terrain

La phase de construction terminée, on passe à l'étape des premiers essais afin de vérifier que tout fonctionne comme prévu. Comme Xavier F6FKQ n'avait pas encore terminé les travaux de son coté, j'ai fait du "wardriving" ou encore Trébuchet sans fil ...

Le matériel utilisé pour la circonstance a été un PC portable avec une carte 802.11b PCMCIA, un GPS Garmin-25 pour la mesure de distance. La partie logicielle tourne sous Linux avec GpsDrive pour la navigation et la cartographie couplé à Kismet pour la réception des trames.

Le point de départ étant le n° 1 sur la carte, je me suis déplacé avec tout l'équipement aux points deux et trois pour faire les mesures avec juste une carte PCMCIA, le PC à coté sur le siège passager. Les photos donnent une idée du trajet, l'objectif étant pointé vers l'émetteur. La petite musique du tic-tac des trames est sympathique à entendre lorsqu'on se trouve à 6 km de distance ... Une fois à l'arrêt, j'ai cherché à trouver le maximum de signal en réception mais c'est assez difficile car le niveau fluctue rapidement en fonction de la position de l'antenne. J'ai fait une copie d'écran à chaque point lorsque le maximum était à peu près stable. D'après les simulations, les premiers résultats semblaient intéressant, il ne restait plus qu'à attendre Xavier pour réaliser la jonction

Les lieux de réception L'équipement embarqué La carte PCMCIA L'ensemble GPS
Les lieux La wouahture La carte Le GPS

Le point n° 2

Vue large du point n° 2 Vue zoom du point n° 2 Plan GPS du point n° 2 Niveau de réception au point n° 2
Vue large Vue zoom Plan GPS Niveau Rx

Le point n° 3

Vue large du point n° 3 Vue zoom du point n° 3 Plan GPS du point n° 3 Niveau de réception au point n° 3
Vue large Vue zoom Plan GPS Niveau Rx

Liaison complète

Première connexion

Je reçois un appel de Xavier F6FKQ qui me dit que son installation est prête. Tout est donc en place de son coté mais il dit ne rien recevoir. Petit moment de doute et après quelques instants il me précise que sa parabole est montée sur le tube principal de l'antenne décamétrique donc rotative. Un ajustement de la direction et le miracle se produit !

On est presque étonné que cela fonctionne aussi bien pour un premier essai avec très peu de mise au point. Il restait à découvrir les quelques pièges cachés après la première période d'euphorie ...

Les ping et les DUP

La première chose que l'on fait pour voir si un réseau fonctionne est d'envoyer quelques commandes ping sur des machines connectées. Une première surprise nous attendait avec l'apparition de ces fameux DUP. Voilà ce que ça donne:

[f6fgz@f6fgz f6fgz]$ ping delta
PING delta.localnet (192.168.1.4) from 192.168.2.1 : 56(84) bytes of data.
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=3.084 msec
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=6.467 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=7.472 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=9.187 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=9.919 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=10.534 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=11.292 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=0 ttl=255 time=15.067 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=3.279 msec
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=3.805 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=5.635 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=7.728 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=9.294 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=11.252 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=12.295 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=1 ttl=255 time=14.226 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=3 ttl=255 time=3.062 msec
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=3 ttl=255 time=6.570 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=3 ttl=255 time=7.211 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=3 ttl=255 time=8.137 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=3 ttl=255 time=8.864 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=3 ttl=255 time=11.844 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=4 ttl=255 time=3.110 msec
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=4 ttl=255 time=4.402 msec (DUP!)
64 bytes from delta.localnet (192.168.1.4): icmp_seq=4 ttl=255 time=5.547 msec (DUP!)

--- delta.localnet ping statistics ---
5 packets transmitted, 4 packets received, +21 duplicates, 20% packet loss
round-trip min/avg/max/mdev = 3.062/7.971/15.067/3.462 ms

Le phénomène est lié à la qualité de la réception qui est perturbée par les réflexions multi-trajet. En effet, si on regarde la simulation radiomobile plus haut, on voit que les zones de Fresnel sont partiellement obstruées. Cela doit influencer le débit général et nous a demandé un peu de bidouillage pour pouvoir transporter de l'AX25 comme expliqué plus loin.

Performances

Pour connaître le débit du lien, nous avons utilisé FTP avec de gros fichiers de plusieurs Mo pour avoir une bonne moyenne statistique. Le débit atteint est de l'ordre de 80 ko/s ou encore 800 kb/s. La stabilité de la liaison est très bonne. Le temps pluvieux ou brumeux n'a rien changé même sous un épais brouillard. Par contre une journée venteuse a malmené le débit, peut-être une antenne qui se balançait un peu trop ?

AX25 et 802.11b

Le passage d'un lien FlexNet dans un tuyau AXIP nous a posé beaucoup plus de soucis. Les fameux DUP décris plus haut se traduisaient en autant de trames AX25 répétées. La gestion du protocole AX25 par Xnet fonctionnait avec un grand nombre de RETRY, ce qui en soi n'est pas très gênant vu la bande passant disponible, mais aussi de FRMR par l'apparition de trames anciennes. Le lien FlexNet déconnectait immédiatement et était difficilement exploitable. Heureusement, grâce aux conseils de Dominique HB9HLI, l'utilisation d'un utilitaire appelé socat allait résoudre nos ennuis. Le principe est de faire passer les trames dans une couche TCP et non pas IP comme précédemment. Un petit script à lancer dans un crontab et le tour est joué comme on peut le voir sur le graphique ! Le script est un peu différent de chaque coté car il y a un client et un serveur

/usr/bin/socat -b 2048 PIPE:/dev/ttys3 TCP4:192.168.1.4:9001
/usr/bin/socat -b 2048 PIPE:/dev/ttys3 TCP4-LISTEN:9001

Conclusions

L'expérimentation continue, des essais en vidéoconférence sont assez concluants, le plus difficile est de trouver les bonnes applications. Les classiques du réseau sont bien sûr en place comme les serveurs HTTP, FTP, SMTP, etc ... On découvre le plaisir de faire fonctionner un réseau dont les machines sont distantes de presque 30 km avec des moyens amateurs dans le bon sens du terme !